grillade du monde

Si vous voyagez dans le monde entier, vous découvrirez qu’il n’y a qu’une seule chose qui nous unit tous à table : les grillades. Le feu est une chose très puissante car il nous permet de nous nourrir. Nous sommes la seule espèce sur Terre à avoir appris à cuisiner, et c’est en apprenant à cuisiner que nous sommes devenus véritablement humains.

Ce type de cuisson découle d’un besoin primordial très simple et immédiat : il nous évite d’avoir à mâcher. Ce besoin est très clair lorsque l’on observe les primates, qui passent environ la moitié de la journée à écorcher et à digérer des feuilles et des arbustes. Le professeur Richard Wrangham, professeur à Harvard et l’un des plus grands spécialistes mondiaux des primates, a passé de longues périodes de sa vie en contact étroit avec des singes, vivant comme eux. Selon Wrangham, « il nous est pratiquement impossible de vivre comme ça« . Pour les humains, manger des aliments cuits est naturel, manger des aliments crus est contre nature, tout le contraire de ce que font les autres animaux.

Le lien entre la cuisine et l’homme

Sur la base de ces résultats, Wrangham a formulé une théorie véritablement révolutionnaire et controversée : c’est l’acte de cuisiner qui nous a rendus humains et qui fait désormais partie de notre biologie. Son idée est que l’homo erectus en tant que premier être humain n’est qu’un singe qui a évolué lorsqu’il a commencé à cuisiner : cette théorie serait confirmée par l’évolution du crâne et de notre système digestif.

L’utilisation du feu, au cours des millénaires, a perfectionné la façon dont nous cuisinons et mangeons. Ce voyage à travers les barbecues du monde nous conduit aux origines mêmes de la cuisine et aux quatre coins du globe, avec des exemples vraiment intéressants de la façon dont une simple grillade sur un feu ouvert peut avoir tant de différences culturelles.

 

En 1952, l’invention du barbecue

C’est cette année-là que Georges Stephen imagine le célèbre barbecue Weber en forme de boule avec un couvercle. Sa nouvelle invention offre le choix entre deux modes de cuisson : une lente (indirecte) l’autre rapide (directe) qui vont révolutionner la cuisine au BBQ. Le barbecue Weber mondialement célèbre fait parti du paysage américains et devint le symbole du barbecue.

Grillades, le feu comme vecteur de convivialité

Faire une sélection de grils du monde entier dans laquelle toutes les techniques sont mentionnées est pratiquement impossible. Chaque région de la planète a littéralement sa propre caractérisation, avec des mérites et des démérites, avec d’innombrables astuces et bizarreries. Il suffit de penser que Steven Raichlen, l’un des plus célèbres grilleurs du monde et grand théoricien du sujet, a consacré plus de 25 livres aux barbecues du monde entier, y compris la France. Jetons donc un coup d’œil aux 15 traditions de barbecue les plus influentes et les plus importantes au monde.

Grillades à la française

En France, sur un traditionnel barbecue à charbon, le temps de préparation est extrêmement rapide par rapport a une cuisson plus traditionnelle. La grille du barbecue est positionnée très près de la source de chaleur, avec une température de combustion plus élevée et un temps de cuisson réduit à quelques minutes seulement. Le goût typique de la viande grillée selon la méthode française est donné par la graisse qui s’égoutte sur la source de chaleur et s’évapore ensuite. On utilise généralement des morceaux de viande petits et moelleux : steaks de boeuf, côtelettes de mouton, côte de boeuf, fruits de mer, saucisses et blancs de poulet figurent donc au menu. Les légumes se prêtent aussi particulièrement bien à cette technique.

La reine des grillades française est sans aucun doute la côte à l’os, une pièce de boeuf incluant l’os.

Le BBQ américain

La tradition du barbecue aux États-Unis raconte parfaitement l’histoire de la naissance de la nation : il est question d’immigrants, d’esclaves et d’esclavagistes, trois éléments qui ont tristement caractérisé les origines des États-Unis. Les explorations de ces trois groupes de personnes ont donné naissance à ce qu’on appelle la « ceinture du barbecue« , la Barbecue Belt, une zone qui s’étend du golfe du Texas à l’Atlantique, avec des avant-postes correspondants à Austin et Kansas City. Dans cette bande de terre, il existe quatre traditions de barbecue distinctes : la Caroline, le Texas, Memphis et Kansas City :

Le barbecue de Caroline est basé sur la viande de porc, servie hachée et râpée. Il s’agit probablement de la plus ancienne forme de barbecue américain. Le bois utilisé est généralement un bois dur, comme le chêne ou le caryer. Il divise l’État entre le Nord et le Sud : en Caroline du Nord, il est fait avec du porc entier, cuit au barbecue pendant très longtemps, avec une sauce à base de vinaigre à laquelle on ajoute des quantités variables de tomate.

En Caroline du Sud, il a une sauce différente appelée Carolina Gold, faite d’un mélange de moutarde jaune, de vinaigre, de sucre brun et d’autres épices ; le barbecue de Kansas City a même un papa, Henry Perry, qui a perfectionné la technique de cuisson à la fin des années 1800. On y trouve une grande variété de viandes, notamment du bœuf, du porc et de l’agneau. Il existe également une méthode de marinade très particulière, le « spice rub », un mélange d’épices moulues qui est préparé pour être frotté sur le produit brut afin de former une sorte d’enrobage. Le fumage est également très important dans le barbecue de Kansas City, réalisé avec une lenteur déconcertante et une variété de bois différents.

Le barbecue de Memphis se compose principalement de deux plats différents : les côtes, que l’on appelle « humides » ou « sèches », et les petits pains grillés. Les côtes humides sont badigeonnées de sauce bbq avant et après la cuisson, les côtes sèches ne subissent qu’une légère marinade. Les sandwichs sont faits avec le fameux porc effiloché, servi avec de la sauce bbq et du chou.

Enfin, le barbecue à la texane, qui se divise à son tour en quatre styles régionaux : le Texas oriental ressemble au barbecue de la Caroline du Sud ; le Texas central s’apparente davantage au barbecue français car il met l’accent sur la cuisine de rue et la cuisson rapide et violente ; le Texas occidental utilise la chèvre, le mouton et le bœuf et est cuit directement sur un feu de mesquite, un arbre largement utilisé dans la cuisine amérindienne ; et enfin le Texas du Sud, la cuisine qui nous a donné le célèbre Tex-Mex.

Satay indonésien

En Indonésie, en Malaisie et dans tout l’archipel de l’Asie du Sud-Est, la tradition du barbecue est étroitement liée à la brochette, que l’on appelle dans ces pays le satay. On pense que les premières préparations de satay sont issues de la cuisine javanaise, le plus grand groupe ethnique d’Indonésie.

Dans la culture des Javanais, la nourriture fait partie intégrante des cérémonies traditionnelles, utilisée comme symbole de gratitude lors des fêtes communautaires où tous les invités présents (amis, ennemis, connaissances, parents et touristes) sont conviés à manger ensemble : la préparation de chaque plat est elle-même ouverte à tous. Il symbolise également gotong-royong (travail en commun) et guyub (esprit communautaire harmonieux), l’abondance et la gratitude.

Une grande partie de la cuisine javanaise remonte à l’époque des villages et a en fait de très fortes connotations régionales, un peu comme en France, où un simple plat de pâtes est fabriqué différemment même à quelques kilomètres de distance.

Pendant les festivals, de nombreux types de satay sont préparés, et selon l’endroit où l’on se trouve dans l’archipel, il existe des centaines de variantes. Les cubes peuvent être fabriqués à partir de poulet, de chèvre, de mouton, de porc, de bœuf, de tofu ou de poisson. Les brochettes sont grillées à feu vif ou mijotées sur des braises de bois, puis servies avec divers condiments et sauces épicées comme la sauce soja ou une sauce spéciale aux cacahuètes.

Lechón espagnol-philippin

À certains égards, nous restons en Asie du Sud-Est, à d’autres non. Techniquement, en effet, le lechón est le barbecue typique de la péninsule ibérique, et plus particulièrement de l’Espagne. C’est un cochon de lait, cuit entier et très lentement sur du charbon de bois ou du bois, un peu comme en Sardaigne. Le mot « lechón » vient lui-même du mot espagnol « leche« , qui signifie « lait« .

Quel est donc le rapport avec les Philippines ? C’est là que nul autre qu’Anthony Bourdain, le célèbre chef et vulgarisateur américain décédé en 2018, vient à la rescousse : selon le chef d’origine française, Cebu abrite le meilleur lechón du monde, avec les cochons les plus savoureux du globe. Avant « Journey of a Chef », l’un des livres les plus populaires de Bourdain, la tradition du lechón philippin était confinée à l’archipel. Ils le font depuis des siècles là-bas, en utilisant la même méthode que les Espagnols, c’est littéralement le plat le plus représentatif de la nation, mais ils ne l’avaient jamais dit à personne.

Le Lechón est cuisiné tout au long de l’année pour des occasions spéciales, comme les festivals ou les foires. Après le séchage, le porc est éviscéré et cuit entier, enfilé sur une broche et tourné lentement au-dessus d’une fosse tapissée de braises incandescentes. Le processus de cuisson rend généralement la peau croustillante, tandis que la viande à l’intérieur est plus tendre. Le goût est assez délicat et rappelle celui de la porchetta. Le contraste de texture entre l’extérieur croustillant et l’intérieur tendre est la caractéristique déterminante de ce plat.

Le tandoor entre l’Inde et l’Azerbaïdjan

Quand on pense à l’Inde, on pense immédiatement à la myriade d’épices que l’on apprécie en France. En réalité, il existe une tradition très importante et tout aussi ancienne impliquant le feu : nous parlons du tandoor. On retrouve ce type de grillades en Inde, où elle est la plus aboutie, mais aussi en Azerbaïdjan, en Turquie, en Iran, au Pakistan, en Afghanistan, dans presque tout le Moyen-Orient et dans toute l’Asie du Sud.

Le tandoor ou tandoori n’est rien d’autre qu’un four en argile en forme de cloche inversée ou cylindrique. La chaleur est générée par un feu brûlant à la base du four et atteint des températures très élevées, jusqu’à 500 °C. Il est courant de maintenir le four allumé le plus longtemps possible. Il est courant de laisser le four brûler pendant de longues périodes afin de maintenir la bonne température pour la cuisson. Il s’agit d’un objet très spécial et fascinant car il s’agit d’une sorte d’union entre un four souterrain et un four plat en maçonnerie ; il est aussi généralement très beau et bien entretenu.

En Azerbaïdjan, le tandir est utilisé pour cuire le lavash, un plat de rue typique ; le gril indien, en revanche, est très différent et à base de viande. 

Les grillades au Japon

Les grillades japonaises tirent leur nom des outils dans lesquels elles sont réalisées, comme l’hibachi. Vous l’avez probablement aussi goûté : l’hibachi est utilisé pour préparer des yakitori, ces brochettes de poulet omniprésentes dans les restaurants du pays. Bien sûr, les yakitori originaux ont un goût très différent de ceux que nous avons l’habitude de goûter, mais ils ont en commun une sauce teryaki.

Un autre style très important est le yakiniku, traduit littéralement par « viande grillée« . Il s’agit d’une méthode typiquement japonaise de cuisson de la viande et des légumes, et plus généralement d’une variété de plats grillés. L’ingrédient typique est le bœuf mariné et c’est l’une des méthodes les plus modernes de cuisson de la viande : jusqu’en 1871, en effet, il était interdit de cuisiner des plats de viande au Japon. Sans surprise, la première mention écrite de ce plat remonte à 1931. La viande de Kobe, très prisée, est grillée avec le plus grand soin selon cette technique ; elle est traditionnellement servie avec une sauce aigre faite d’oignon, d’échalote, de citron vert, de citron, de mirin et de sauce soja.

Le shichirin, un réchaud léger, compact et facile à déplacer, généralement alimenté par du charbon de bois, revêt également une grande importance. Les légumes sont généralement cuits en utilisant cette source de chaleur particulière, car il s’agit d’une méthode très délicate qui permet de conserver intactes les propriétés nutritionnelles des légumes.

Le Robatayaki, quant à lui, est une technique très ancienne, dont l’invention est attribuée à un pêcheur qui voulait griller son poisson immédiatement sur son bateau. On utilise du charbon et du bambou, placés sous des plaques spéciales pour fumer le poisson en même temps. Les animaux sont aussi généralement légèrement marinés dans du soja, du sucre et du mirin.

Grillades dans les Balkans

Les grillades balkaniques sont conceptuellement très similaires aux grillades françaises : elles impliquent une cuisson forte et rapide et sont un excellent moyen de célébrer les événements importants et les fêtes de famille. Elle est surtout utilisé lors des fêtes religieuses du printemps et de l’été et est toujours accompagné de boissons alcoolisées.

Asado argentin

L’asado argentin est une méthode de cuisson très différente de celle à laquelle nous sommes habitués en France : des grillades avec temps de cuisson longs, une viande bien cuite et une distance considérable entre la source de chaleur et la pièce de viande. Mais il y a bien plus, des traditions des agriculteurs aux différents types de viande, en passant par le chimichurri : l’asado est une identité argentine, ainsi qu’une technique simple.

L’asado typique est cuit pendant une longue période, la viande étant maintenue à l’écart des braises afin qu’elle reste tendre et humide à l’intérieur, mais avec une croûte à l’extérieur. Cela peut faire froncer les sourcils à beaucoup de gens, mais le goût de l’Américain du Sud moyen, acquis au fil des siècles, n’aime pas la cuisson saignante.

L’asado doit être cuit à la perfection, c’est-à-dire que la viande doit être entièrement cuite, même à l’intérieur ; au maximum, elle doit être juteuse, mais jamais saignante. En plus des viandes habituelles, l’asado permet de cuisiner le chorizo pour le choripan, la poitrine et les côtes de porc, la viande de chèvre ou de lama (surtout dans les Andes), le mouton ou le potro, un cheval sauvage très répandu en Patagonie.

Churrasco et picanha, la grillade brésilienne

Plutôt que barbecue brésilien, on devrait dire « barbecue du Rio Grande do Sul« , l’État le plus méridional du Brésil. La tradition du churrasco est en fait une tradition frontalière, disputée entre Argentins et Brésiliens, car cette préparation est née avec les premiers colonisateurs des deux nations. L’histoire du churrasco est tout sauf invitante : les premiers gauchos, lors de leurs longs voyages pour suivre leurs troupeaux, coupaient de gros morceaux de bœuf et les attachaient aux épaules du cheval. Pourquoi faire ça ? Parce qu’ils se salaient alors avec la sueur de l’animal. Oui, c’est révoltant, mais c’est comme ça que ça se passait au début.

Churrasco

Aujourd’hui, heureusement, on ne le fait plus de cette façon et le terme « churrasco » est utilisé pour décrire une grillade mixte, une philosophie de manger en compagnie. Vous pouvez cuire des poitrines de poulet et de porc, des côtes de bœuf.

Une autre caractéristique du churrasco est la marinade qui adoucit et aromatise la viande coupée en gros morceaux et l’arrière-goût légèrement fumé donné par la cuisson qui a lieu sur le gril à une distance de près d’un demi-mètre des braises. La particularité de cette préparation est que la viande est cuite directement dans la chaleur des braises, mais à une certaine hauteur. La viande est grillée directement sur le gril ou préparée sur une « broche » plate ou en forme de « V ». Pendant la cuisson, la graisse fond et donne le goût caractéristique.

Picanha

Qu’est-ce que la picanha ? La picanha est la coupe de bœuf qui correspond à la sous-coupe. Elle est cuite sur une brochette et est coupée en trois ou quatre grandes tranches, pliées avec le gras à l’extérieur. Pour une cuisson parfaite, il faut la retourner souvent et régulièrement afin que la graisse ne s’écoule pas excessivement. Seule la partie extérieure de la préparation est tranchée et servie, tandis que la partie restée à la broche est remise dans le processus de cuisson.

Le braai sud-africain, l’ancêtre du BBQ

Le BBQ américain et le braai sud-africain sont très similaires et étroitement liés. Dès les premiers jours de l’histoire du barbecue américain, l’influence des esclaves a été centrale, car nombre d’entre eux ont pris à cœur les longs barbecues d’Afrique. Même les rôles des chefs de grillades sont similaires : en Amérique, il y a le pit master, en Afrique du Sud, le braainer, un rôle social très respecté. En outre, les morceaux et les viandes utilisés sont variés dans les grillages, du bœuf au poulet, des traditionnelles boerewors (saucisses spéciales) aux brochettes de mouton.

Les grillades sud-africaines sont souvent appelées « braaievleis« , une combinaison des mots afrikaans braai, qui signifie « grillade« , et vleis, qui signifie « viande ». Cette grillade représente non seulement le mode de cuisson, l’appareil de cuisson, mais aussi le repas lui-même que l’on partage en famille ou entre amis.

La cuisson de la viande se fait exclusivement au bois et le rituel de l’allumage du feu : c’est une activité exclusivement masculine, même aujourd’hui, même dans les villes les plus modernes. Le processus de cuisson est très long et les brasseurs atteignent ce « niveau » après des années et des années d’observation. Le plat typique de ce grill est une saucisse à base de bœuf, de porc et d’agneau, avec diverses épices locales. Il n’est pas servi dans une assiette mais se mange avec du pain, comme un hot dog. Mais tout peut être grillé, et chaque morceau de viande est soigneusement mariné dans la sauce monkeygland, l’une des préparations les plus caractéristiques de la cuisine sud-africaine : ail, gingembre, sauce soja, ketchup, moutarde et oignon. Le chutney est ensuite arrosé sur la viande, soit comme marinade la veille du braai, soit pour accompagner la viande lors de la dégustation.

Mu kratha, le barbecue thaïlandais

Le mu kratha est un mode de cuisson qui s’est répandu dans toute l’Asie du Sud-Est et qui fait partie de la cuisine thaïlandaise typique. Ce gril est utilisé pour cuire uniquement du porc et est similaire au barbecue coréen. La viande tranchée est grillée sur le dôme au centre, entouré d’une soupe dans laquelle cuisent des légumes et d’autres ingrédients, comme des boulettes de poisson. La marmite est posée sur un tas de charbon de bois brûlant, qui grille et fait bouillir les aliments en même temps. Les ingrédients généralement utilisés pour ce type de cuisson sont le porc sur le gril, le poulet, le mouton, l’agneau, les fruits de mer, les légumes et les champignons sur le côté bouillant. Le mu kratha thaïlandais est servi avec du nam chim, une sauce d’accompagnement populaire dans le pays.

Cette préparation est également devenue typique de la culture des colporteurs de Singapour et a évolué dans la ville-état. Selon les Thaïlandais eux-mêmes, ce plat trouve son origine dans une diaspora, celle des Coréens pendant la guerre Nord-Sud. Selon le critique gastronomique Tammika Songkaeo, « les soldats coréens ne trouvaient que de la viande crue sur leur chemin et la faisaient cuire dans leurs casques chauffants. Les Thaïlandais, voyant à quel point ces morceaux de viande étaient bons et populaires, ont fait de cette méthode de cuisson la leur« .

Les grillades thaïlandaises ont connu un énorme succès au début du troisième millénaire grâce à la culture des colporteurs de Singapour : les restaurants thaïlandais, réalisant le potentiel de leur cuisine, sont rapidement passés d’établissements de type buffet, aux prix dérisoires et à l’attention discutable pour l’hygiène, à des restaurants à thème à part entière, où la viande est sélectionnée et où l’attention portée à chaque détail est très élevée.

Barbecue coréen

De toute la liste, c’est la seule préparation qui est plus célèbre à l’étranger que dans le pays. Le barbecue coréen est comme un rituel de groupe au cours duquel chacun fait griller de fines tranches de viande directement à sa table, un peu comme la fondue en Suisse. Il a un aspect et un goût très délicats et s’accompagne de nombreux accompagnements. Il est appelé gogi-gui, ou gogihui, et a été introduit en Corée pendant la dynastie Goguryeo, entre 37 avant J.-C. et 668 après J.-C..

Au cours du règne suivant de Goryeo, lorsque le bouddhisme est devenu une idéologie d’État et que son acceptation a entraîné la généralisation de la cuisine végétarienne, le barbecue a perdu de sa popularité. Il est revenu à la mode après une série d’invasions par les Mongols amateurs de viande au 13e siècle et avec le début de la dynastie Joseon au 14e siècle. Aujourd’hui, non seulement le barbecue est présent dans de nombreux restaurants en Corée, mais il s’est également imposé comme une tendance dans d’autres pays du monde, notamment en France.

Les viandes les plus couramment utilisées pour le gogihui sont le porc et le bœuf, notamment le samgyeopsal (poitrine de porc) et le galbi (côtes de bœuf). Les Coréens utilisent souvent le bulgogi, un steak d’aloyau qui cuit très rapidement. Toutes les viandes sont marinées dans une solution de sauce soja et d’huile de sésame.

Khorkhog mongol

La viande a toujours joué un rôle très important dans la tradition gastronomique mongole, comme c’est souvent le cas chez les peuples nomades occupant des terrains rudes et difficiles à cultiver. Prenons l’exemple du tartare : selon la légende, la préparation originale appartient au peuple nomade des Tartares, originaire d’Asie centrale, qui, n’ayant pas le temps de cuisiner, plaçaient de la viande séchée sous la selle de leurs chevaux pour la retrouver ramollie à l’heure du repas, créant ainsi le tartare. Une recette qui a définitivement changé avec le temps.

Pendant les pauses entre les voyages, les Mongols avaient l’habitude de déguster le khorkhog, un repas traditionnel à base de viande d’agneau ou de chèvre, réservé aux invités de marque. Cette grillade consiste à préchauffer les pierres qui sont ensuite placées dans une marmite avec la viande choisie, coupée en morceaux suffisamment petits pour être mangés avec les mains, sans couverts, au mépris de tout esprit de conservation des membres supérieurs qui seraient brûlés. Une tradition mongole fascinante concerne les pierres : les invités doivent conserver au moins une des pierres sur lesquelles la viande a été cuite en signe de bonne chance, et l’utiliser à leur tour lors d’un barbecue ultérieur.

Grillades chinoises

La Chine est gigantesque et les traditions sont donc très diverses, même au sein d’une même nation. Pendant des siècles, elle a été divisée à l’intérieur, puis subdivisée entre les différents États voisins, subissant souvent des invasions, et ces éléments marquent inévitablement l’histoire gastronomique d’une nation. Les types de grillades les plus unitaires en Chine sont le chuanr, originaire de la province du Xinjiang, et le char siu, le plus connu hors de Chine, de la région cantonaise.

Le chuanr

Le chuanr est une brochette composée de petits morceaux de viande rôtie. Il est populaire à Pékin, Tianjin et Jilin, où il est vendu comme une nourriture de rue populaire. En tant que produit de la cuisine sino-islamique, elle dérive de la culture de peuples tels que les Ouïgours et d’autres peuples musulmans de Chine. La préparation est très simple : la viande est rôtie directement sur une brochette.

À l’origine, on utilisait de la viande d’agneau ou de chèvre, mais aujourd’hui, on trouve du poulet, du porc, du bœuf et divers types de poissons chuanr. Dans les zones touristiques, on peut également trouver des chuanr d’animaux exotiques tels que des oiseaux, des reptiles et des insectes. En général, la viande peut être épicée selon le goût de chacun, mais les vendeurs de rue utilisent des épices standard telles que les graines de cumin, les flocons de poivre séché, le sel ou l’huile de sésame.

Le char siu

Le char siu est beaucoup plus « mondial », car il est arrivé en Chine pendant la guerre avec le Japon, et on le trouve en fait dans toute la partie orientale du monde, jusqu’à Hawaï. Le char siu se compose de longues lamelles de porc désossé et assaisonné ; celles-ci sont embrochées à l’aide de longues brochettes et placées dans un four couvert ou sur un feu. Autrefois, on utilisait du sanglier, mais aujourd’hui, on le prépare surtout avec de l’épaule de porc assaisonnée d’un mélange de miel, de poudre de cinq épices, de pâte de haricots rouges fermentés, de sauce soja foncée, de sauce hoisin et de sherry, ou de vin de riz. Il existe également une version très savoureuse du chasiu bao, qui est de la viande grillée à l’intérieur d’un petit pain à la vapeur typiquement chinois.

Barbecue australien

Il y a deux âmes au barbecue australien : la première est la plus immédiate, la prédominante, avec ses mérites et ses défauts, c’est celle qui est occidentalisée et mondialisée ; la seconde est la plus archaïque, primordiale, liée aux premiers aborigènes.

Pour les Australiens, le bbq est un véritable mode de vie : en toute saison, et surtout en été, cuisiner en plein air avec des amis est l’une des activités les plus populaires de la nation. Ce n’est pas un hasard si certains des meilleurs chefs de bbq du monde sont basés à Sydney (Lennox Hastie en est un exemple). Le barbecue est considéré comme un élément tellement central de la vie australienne que même le gouvernement a reconnu son importance : sur l’île, il y a des aires de barbecue dans chaque camping, parc national, aire de repos ou plage.

Un barbecue australien typique doit comprendre des chicots, des saucisses, des oignons, des côtes de porc, des cuisses de poulet et des épis de maïs. Tout est cuit à feu doux et souvent la nuit, sous le ciel étoilé du continent.